The Four Seasons - booklet, Vivaldi - The Four Seasons - Amadine Beyer and Gli Incogniti (2008 Linn Records Classical) ...

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"In Memoriam"
Nous dédions ce disque à Jérôme Cornette qui nous a quitté au printemps 2008.
Sa présence lors de l'enregistrement des pièces pour clavecin de JP. Rameau fut une
"épiphanie" pour nous tous.
Sylvie Brély, Franck Jaffrès, Anne Peultier, Blandine Rannou, Jean-Claire Vançon, Anne-Lise Gastaldi...
Le connu et “l’incognito” dans les concertos pour violon de Vivaldi.
Amandine Beyer
violon
S’il y a une œuvre qui a été beaucoup enregistrée, c’est sans doute les Quatre Saisons de Vivaldi. Depuis
la redécouverte de ce compositeur dans les années 1930, cette partition a été l’emblème de sa production,
et a connu de nombreuses versions, dans des esthétiques diverses et variées, parfois opposées.
Vous vous demanderez alors, et à juste titre: pourquoi se lancer dans un nouvel enregistrement?
Les raisons sont multiples: tout d’abord, bien que très connues, les Quatre Saisons constituent un chef
d’œuvre de la littérature violonistique, et de la musique classique en général. Ce cycle de concerti a été
souvent méprisé à cause de son aspect programmatique, interprété comme un indice de faiblesse dans
la composition et le discours. Mais c’est justement ce programme qui pousse l’imagination de Vivaldi à
créer les concerti les plus originaux de sa production et même de toute la fin du baroque. De par leur
structure, aucun des quatre concerti correspondant aux Saisons ne ressemble à un autre concerto du
compositeur. Toujours surprenant, toujours imaginatif, Vivaldi pousse la technique du violon et la forme
du concerto au-delà de leurs limites habituelles pour arriver à un résultat inédit jusqu’alors.
Et c’est cette originalité qui nous oblige à nous libérer de certaines habitudes interprétatives, et à
trouver des solutions techniques et musicales à même d’exprimer le fond de la pensée de Vivaldi,
passant bien sûr par le prisme de notre propre imagination et subjectivité. Comment faire (et ce n’est
pas une blague!) pour qu’un alto se métamorphose en chien ou pour que deux violons deviennent un
duo de mouches agaçantes? Par quel type d’ “arpeggio” un clavecin peut-il évoquer la profondeur
tourmentée du sommeil d’un ivrogne? Quel tempo serait le plus à même pour faire sonner les
bariolages du violoncelle comme le crépitement d’un feu au coin d’une cheminée accueillante? Ce
sont les réponses à ces quelques questions, fruits de nos expérimentations, et autant d’autres, que
vous pourrez entendre dans notre “nouvelle” version de ce chef d’oeuvre visionnaire.
Cependant, comme pour n’importe quelle œuvre, et paradoxalement, même pour les Quatre saisons,
il faut établir un texte de base, ce qui entraîne un certain nombre de décisions parfois épineuses. Bien
que prenant comme référence la version imprimée en 1725 par Le Cène, nous avons consulté une
source souvent négligée, “le manuscrit de Manchester”, qui nous offre des variantes très intéressantes,
surtout au niveau des articulations, de certaines couleurs chromatiques et harmoniques inhabituelles,
apportant un nouvel éclairage à certains passages.
Parallèlement à ces nouveautés dans le texte même, la redécouverte du contexte présidant à l’écriture
de cette oeuvre nous a paru particulièrement intéressante. La création des Quatre Saisons a eu
lieu à Mantoue aux alentours des années 1720, vraisemblablement interprétée par un ensemble
des solistes virtuoses. Ceci permettait sûrement de rendre de manière très souple la grande liberté
rythmique caractéristique de l’écriture
fantasiosa
de Vivaldi. Légèreté de l’effectif et liberté dans le
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phrasé, cela nous semblait là une combinaison parfaite, et nous avons tenté de l’adopter...
En miroir aux Quatre Saisons, l’oeuvre la plus emblématique du
Prete rosso,
nous avons choisi
d’enregistrer trois concerti parmi les moins connus, voire même inédits au disque. C’est le cas du
concerto RV 372, une magnifique pièce dédiée à Chiara, une de ses élèves les plus attachantes à
la Pietà. Œuvre faite “sur mesure”, pour s’adapter à la petite main de la violoniste surdouée, et qui
semble aussi être un portrait psychologique de la jeune fille, au caractère vif-argent... Le contraste est
saisissant avec l’atmosphère du concerto RV 390. Celui-ci ressemble beaucoup, de par sa structure
audacieuse et ses changements de rythme et d’ambiance, aux Quatre Saisons. Mais la tonalité de
Si mineur, tragique et tourmentée, nous laisse entrapercevoir une réalité tout autrement dramatique,
reflétant peut-être celle des dernières années du compositeur.
Et nous n’avons pas pu résister au plaisir d’enregistrer (“quasi a l’improvviso” !) le RV 578a qui a été
récemment redécouvert par le musicologue Olivier Fourés. Son talent nous a permis de travailler sur
une partition savamment reconstituée, à partir du puzzle du manuscrit, et nous donne ainsi l’occasion
de faire revivre une œuvre qui n’a probablement plus été interprétée depuis bientôt 300 ans.
Sept concerti, vingt trois mouvements, autant de fenêtres ouvertes sur le monde immensément riche
et voluptueux de Vivaldi...
n’hésitent pas à imiter avec leur instrument tout type de faunes, cloches, pétards, instruments de
musique et autres bruits plus ou moins définis, et à affubler leurs œuvres de titres suggestifs tels
La
bavosa
(Caprioli), ou
Capriccio Stravagante
(Farina) avec force miaulements félins, gloussements de
basse-cour ou autres spasmes ; les exemples abondent.
Au-delà de l’aspect anecdotique de ces pièces, la recherche constante d’expérimentation sonore
qu’elles sollicitent, contribue fortement à développer la technique violonistique, la fantaisie des
interprètes et l’aspect même de l’instrument : apparaissent de nombreux « bricolages », avec du
papier, des chevalets sciés, des clochettes, des gants et tissus, différentes façons d’accorder, des
cordes « croisées » ou omises, des archets sans crins, des sourdines monstrueuses à actionner avec
le menton, ainsi que les violons de Gasparo da Salò, d’Amati et de Stradivari.
Logiquement une telle effervescence génère un courant violonistique très important, qui ira jusqu’à
Paganini, capable d’imiter le braiement de l’âne sur la quatrième corde pour s’adresser à certains
membres de son public.
Une figure qui se distingue particulièrement dans ce courant est celle de Vivaldi. Fidèle à ses
prédécesseurs, le
prete rosso
contrefait la cornemuse, le cor, le tambour, l’orgue et tous genres
de volatiles pendant ses exhibitions virtuoses, ou transforme violes et violons pour qu’ils sonnent
comme des trompettes. Toutefois, ses
Quatre Saisons
peuvent être considérées comme l’emblème de
la « musique à programme » : la richesse et la complexité de leur composition et de leur ambition
descriptive n’ont aucun précédent.
En effet, les interprètes doivent aborder dans ces quatre concertos une multitude d’images aussi bien
concrètes (claquage de dents, vents, reniflements, coucou, danse, chien, frissons, mouches, hoquet, pluie,
feu, chutes,
etc.
) qu’émotionnelles et abstraites (poursuite, anxiété, joie, tristesse, ivresse, combat, plaisir,
sommeil, rêve, froideur, chaleur,
etc.
), sans oublier le thème principal des saisons, c’est-à-dire –évidemment–
la parabole de la vie. Il est d’ailleurs remarquable que chaque saison donne une importance centrale
au sommeil, l’
ersatz
de la mort. Bref, la lecture, en bon esprit
baroque
, est double, et permet à chaque
interprète de confronter l’anecdote à des émotions complexes et personnelles ; les coucous kamikazes
vivaldiens auraient probablement terrorisé leurs sages cousins à plumes beethoveniens.
Amandine Beyer
Gli Incogniti 2008
La maniera italiana
.
« Dans les passages solos je donnais libre cour à ma fantaisie et jouais à la manière italienne, c’est-
à-dire dans le style qui m’est le plus naturel. »
Paganini
L’imitation de sons avec la voix, le souffle, le corps ou d’autres
instruments
, est la source même
du phénomène musical. Pourtant, avec le temps, cet aspect
originel
a été oublié par la musique
occidentale
culte
(musique vocale exceptée) au point que l’on a eu besoin de créer l’appellation de
« musique descriptive » ou « à programme » pour toute pièce instrumentale qui fait allusion à une
image ou un canevas « extramusical ».
La période d’or de cette « musique descriptive » correspond probablement à celle des violonistes
compositeurs nord-italiens du
XVII
e
siècle. Fortement marqués par les traditions populaires, ces derniers
Ces pièces se détachent au sein même de l’œuvre de Vivaldi, même parmi ses autres concertos à titres
saugrenus, ce qui rend compte d’un contexte de composition particulier. Dans
Les Météores
, Michel
Tournier s’étonne d’ailleurs que l’œuvre la plus célèbre du plus célèbre musicien de Venise prend pour
thème les saisons : comment s’intéresser à la nature dans une ville qui ne lui laissait aucune place ? En
réalité, les
Saisons
ont été composées à Mantoue entre 1718 et 1720, quand Vivaldi était
Maestro di
Cappella di Camera
à la cour, et il est évident que l’atmosphère provinciale et rurale de cette place a
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rendu l’urbain virtuose très sensible aux particularités de la nature et de la rusticité. Remarquons également
que le dédicataire de la version imprimée des concertos, le Graf von Morzin (qui avait connu Vivaldi à
Mantoue), possédait dans son palais à Prague, quatre statues allégoriques des saisons.
Vivaldi s’est certainement chargé de l’interprétation de la partie principale des concertos, mais le petit
et excellent orchestre dont il disposait sur place lui a permis de complexifier la mécanique des parties
d’ensemble, modifiant le cadre du concerto qu’il avait établi jusque là ; une virtuosité et un rôle orchestral
nouveau apparaissent.
Quand Vivaldi publie ces pièces dans
Il Cimento dell’Armonia e dell’Invenzione
en 1725, il leur réserve
un rôle très particulier. Si dans ses autres recueils de concertos, il s’attache à diffuser des concepts d’ordre
général,
Il Cimento
révèle quant à lui un message plus personnel, pratique : Vivaldi présente ici sa
propre manière violonistique, il se rattache à et défend le courant « bruyant », traditionnel et localisé,
du siècle précédent. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il diffuse son portrait en perruque, chemise
et plume, présentant un peu le recueil comme son
école
. A ce titre, les
Saisons
, ne doivent pas être
considérées comme une
exception
chez Vivaldi, elles analysent, synthétisent et présentent en réalité ses
moyens interprétatifs usuels.
Probablement afin d’être bien compris, et de souligner l’anecdote, il ajoute pour la publication, des
«
Sonetti
» paraphrasant chacun des concertos ; sonnets probablement issus de sa plume (le
prete rosso
ne craignait apparemment guère les foudres d’Erato...). Comment mieux expliquer le
flottando
que par
un bruissement de feuille, le
marcato
par le hoquet, le
trillo
par un frisson, le
glissando
par un reniflement,
la micro-tonalité par l’ivresse ?
Même si certains musiciens
académiques
, tels Geminiani et Quantz, fustigeront l’école violonistique des
« bruits », l’influence des
Saisons
sur l’évolution du jeu violonistique occidental est immense : tous les
violonistes de l’Europe « s’escriment » alors à déchiffrer ces pages, « les seules à soutenir la comparaison
avec les sonates de Corelli », qui deviennent un passage obligé pour tous les virtuoses, notamment en
France, où on les met sur un pied d’égalité avec les
Matinées
de Gaviniès encore au début du
XIX
e
siècle.
Le fait que les poèmes ont été écrits après la composition des pièces est à relever puisque cela implique
que les idées qui avaient aidé à construire les compositions n’avaient d’abord pas été explicitement
exprimées. On peut donc penser que Vivaldi a pu avoir recours à des images pour composer d’autres
pièces, sans les préciser à l’écrit, puisqu’il jouait lui-même, ou travaillait directement avec ses interprètes.
L’aspect narratif, théâtral, du discours vivaldien apparaît clairement dans de nombreux de ses concertos,
comme les RV 372 et 390, deux concertos tardifs datables des cinq dernières années de vie du musicien.
Les relations complexes entre solo, accompagnements et ensembles, les contrastes et qualités de timbre,
ainsi que le déploiement mélodique et rythmique, notamment sur le plan de l’articulation, du phrasé et
de l’accentuation, donnent naissance à un véritable
drame
; un genre d’histoire
sans parole
, comble de
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l’ambiguïté expressive. Tartini disait que « pour bien jouer il fallait bien chanter », Vivaldi ne disait rien du
tout, mais on comprend que pour lui, bien jouer c’était bien
raconter
.
Le concerto RV 372 fut destiné à Chiara, une des meilleures élèves que Vivaldi ait eues à l’
Ospedale
della Pietà
. Cette pièce révèle, au-delà d’une mécanique violonistique brillante et précise, un caractère
vif, amusé, espiègle, qui fut certainement à la base de l’unique
Allegro molto e spiritoso
(lire « nerveux
et avec humour ») que l’on connaisse de Vivaldi. Contrairement à ce concerto
bouffe
, illustration du
« quotidien » vénitien, le concerto RV 390, tend plutôt vers quelque sphère « imaginaire ». L’aspect
solennel et rigoureux de l’introduction et des ritornellos, contraste avec le remarquable lyrisme des parties
solistes. Le mouvement lent, sur son lit de
pizzicato
, est un sommet du genre.
Le concerto RV 578a a été redécouvert seulement quelques jours avant l’enregistrement de ce disque.
Il s’agit d’une version primitive du deuxième concerto de l’
Estro Armonico
, qui diffère sur de nombreux
points de la source imprimée, se concluant notamment avec un autre finale. Au-delà de l’intérêt musical
de cette pièce de
jeunesse
(c.1705-1710) remarquable pour sa fantaisie, sa personnalité et son écriture,
les changements qu’a faits Vivaldi pour sa publication sont significatifs : il complexifie son contrepoint,
ajoute une partie d’alto, change le caractère des solos, et annule une danse populaire ; une
amélioration
dans le goût du public qu’il doit conquérir.
Cette version primitive permet en somme de définir l’essence créatrice et – par extension – interprétative
du
prete rosso
: le
naturel
.
Olivier Fourés
#
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Vivaldi’s violin concertos: the familiar and the ‘incognito’
Alba Roca
violon
If there is one work that has been recorded an incalculable number of times, it is undoubtedly
Vivaldi’s
Four Seasons
. Since the rediscovery of its composer in the 1930s, this score has become the
emblem of his output, and has been committed to disc in many different versions representing the most
diverse and varied aesthetic approaches, sometimes radically opposed to one another.
So, you quite rightly wonder, why bother to make a new recording?
There are many reasons. First of all, despite its celebrity,
The Four Seasons
is a masterpiece of the violin
literature and of the classical repertoire in general. This cycle of concertos has often been scorned
because of its programmatic aspect, which has been interpreted as a sign of weakness in the composition
and its discourse. But it was precisely this programme that stimulated Vivaldi’s imagination to create
the most original concertos of his oeuvre, and even of the whole late Baroque era. In structural terms,
none of the four concertos representing the seasons resembles any other concerto by the composer. Ever
surprising, ever imaginative, Vivaldi pushes violin technique and concerto form beyond their customary
limits, to obtain a result that was totally unprecedented at the time.
And it is that originality which compels us to free ourselves from certain interpretative habits, and to find
technical and musical solutions capable of expressing Vivaldi’s ideas to the full, while naturally passing
them through the prism of our own imagination and subjectivity. For example (and this is not a joke!):
how do you turn a viola into a dog, or two violins into a pair of pestering flies? What type of arpeggio
can a harpsichord use to suggest the deep but tormented sleep of a drunkard? What tempo is most apt
to make the cello’s
bariolages
sound like crackling flames at a welcoming fireside? You can hear our
answers to these questions and many others, the fruits of our experiments, in our ‘new’ version of this
visionary masterpiece.
However, as with any other work, and, paradoxically, even for
The Four Seasons
, it is necessary to
establish a basic text, a process which entails a certain number of sometimes tricky decisions. Although
we took as our reference the version printed by Le Cène in 1725, we consulted an often neglected
source, the ‘Manchester manuscript’, which offers extremely intriguing variants, especially as regards
articulation and unusual chromatic and harmonic colours, shedding new light on certain passages.
In parallel with these novelties in the text itself, we found it particularly interesting to rediscover the
environment in which the work was written.
The Four Seasons
was premiered in Mantua around
1720, probably by an ensemble of virtuoso soloists. We felt this justified a highly flexible approach to
the great rhythmic freedom characteristic of Vivaldi’s
fantasiosa
style. Lightweight forces and freedom
of phrasing: that seemed the perfect combination to us, and we tried our best to adopt it…
Anna Fontana
clavecin
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